Page:Nau - Force ennemie.djvu/159

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épique. Il secoua brutalement la trop mûre gourgandine, lui fit lâcher prise et vraiment éperdu — lui, l’imperturbable ! — l’apostropha en ces termes :

— Vous n’avez pas honte, vieille créature, d’importuner un homme que… qui… pourrait être père de famille ! En 1892, mais j’étais sur le point de me marier ! Je ne vous connais pas ! je ne vous ai jamais connue !… Et vous m’aviez promis vous-même

Il ne pouvait continuer, comprenant trop tard la sombre stupidité de ses paroles et l’antique et fastueuse grue s’éloignait digne et vexée ; après s’être, toutefois, un peu soulagée en déversant sur le triste Elzéar un petit seau d’épithètes vengeresses. Par respect, sans doute, pour les dorures du Casino elle n’avait pas épanché sa réserve de suprêmes immondices. Mais Roffieux éclaboussé des maculantes qualifications de « poseur de lapins », de « greluchon » et de « sous-marin » demeura piteux et mélancolique toute sa soirée, tandis que sa femme, habituellement si prude, se réjouissait de sa mine penaude et faisait de fréquentes allusions à sa « jeunesse orageuse » et au « climat torride de la rue de Moscou », — de Moscou !! ah ! ah ! ah !

Comme elle avait fini par me mettre au diapason de son imbécile gaîté, m’interpellant à chaque minute, me forçant à m’esclaffer bêtement, d’abord sans envie, — c’était moi et non elle que le juste Elzéar, fort épris de la dot de cette béotienne, avait poursuivi de sa mauvaise humeur et transpercé de ses regards furibonds.