Page:Nau - Force ennemie.djvu/314

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ondulations des mornes, de chaude, de claire, de sombre émeraude.

Oui, ç’a été un bizarre voyage ! J’ai embarqué de la légume et du charbon pour le cuisinier, j’ai fourbi les cuivres des roufs et de la « chambre », j’ai appris à « briquer » un pont, le matin avec les matelots, à faire disparaître, dans la journée, de ses planches d’un blanc rosé les moindres traces des… …oublis des chiens emmenés par le Capitaine. J’ai nettoyé les cages à poules et la « bouteille », — sports charmants ! Il m’a fallu travailler dans la mâture, perché sur le marche-pied en filin des vergues, quand j’avais déjà bien du mal à « me tenir ». Je me suis habitué difficilement à ces besognes aériennes et ma poltronnerie a souvent prêté à rire à mes compagnons plus aguerris. Mais vraiment, les premières fois surtout c’était affreux. Par le gros temps les enfléchures paraissaient devenir, aux ballets désordonnés des vagues, tantôt de trop fragiles élastiques, tantôt des lames terriblement tranchantes, car je devais monter dans le gréement, nu-pieds, comme les camarades. Le ciel noir, le vol fou et les cris aigres et lugubres des goélands augmentaient ma terreur. Je me prenais à croire parfois que j’étais un damné dans un enfer gélide et sombre où de brutales trombes d’eau remplaçaient les flammes.

J’ai acquis un certain nombre de talents. Je sais « lover » les « drisses » et les « cale-bas », galipoter les mâts, faire de l’étoupe avec de vieux cordages