Page:Nau - Force ennemie.djvu/349

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siaques, — on dirait humer du bonheur répandu dans l’air, — deux hommes à têtes de forçats ou de mouchards sortent d’un fourré à deux pas de moi, emportant un cadavre nu — et çà et là sanglant — de femme très belle mais émaciée, dont les cheveux traînent sur la terre détrempée.

N’est-ce pas une nouvelle folie qui me traverse le cerveau ? J’ai l’idée que ces hommes, je les ai vus récemment, que ce sont des infirmiers de l’hôpital d’où je sors ?

Ils jettent brutalement la morte dans une sorte de fourgon que je n’avais pas encore aperçu et, avant que je sois sorti de ma stupeur, le cheval s’éloigne au galop sur la route boueuse. La fange vole, éclaboussant le sinistre char de grosses macules jaunâtres, — … et tout disparaît.

Et je reste des heures… et des heures, là, vautré dans la boue, en proie à une crise de sauvage désespoir… Car, à l’instant où le corps passait si près de moi, — j’ai, sans pouvoir faire un seul geste, porter un seul coup aux bourreaux, — (oui, aux bourreaux — je me rappelle mon affreuse vision d’antan ! —) j’ai, — malgré la chevelure terreuse, malgré le terrible amaigrissement, malgré tout, — reconnu la forme naguère tant aimée d’Irène, — de ma « petite princesse » !…

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Je ne sais pas comment je suis revenu en France. J’ai revu mon frère, mais quoi qu’il ait pu me dire,