Page:Nau - Force ennemie.djvu/53

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Jean Jouillon a mimé toute sa grotesque bataille et « c’qui s’en suit ». Il a caracolé en chargeant à la baïonnette et même en escaladant la Tour Malakoff, il a manœuvré les canons, protégé de son corps les ennemis abattus, décoré ses régiments et les Cosaques, Autrechiens et autres, embrassé tout le monde, reçu le coffret, récuré les brillants, baisé la main de l’Empereur. Il est enfin mort ! Ce n’est pas trop tôt !

Nous nous éloignons tranquillement car Jean Jouillon semble moins leste à se relever, mais nous n’avons pas fait dix pas que Léonard bondit comme lancé par une catapulte et s’empoigne le râble à deux mains :

— Le sagouin a visé juste, cette fois, beugle-t-il.

Et mon gardien se jette à la poursuite du prophète ; mais ce dernier a pris une avance considérable, et — tandis que Léonard fort piteux revient vers moi, découragé mais non pacifié, se frottant rageusement l’hémisphère contus, le fâcheux Jean Jouillon caracole de plus belle de l’autre côté de la cour. Le char-joujou danse furieusement au bout de la ficelle et l’ex-camelot, acrobate et marchand des quatre saisons, vocifère une nouvelle romance :

— Pois verts ! Rutabagas ! Guano frais ! Chiens en sucre ! V’la l’marchand d’gras double ! Mon père s’est pendu !