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procureuse, qui, pour se venger d’un clerc infidèle, a pris à son service une servante tirée d’un mauvais lieu : le grivois qui n’a pas manqué de se ruer sur cette proye nouvelle, s’est infecté. La Fourchaud avait le clerc ; c’est contre elle particulièrement que la vindicative procureuse avait une dent. Le coup n’a pas manqué ; tous les tenans, ont leur compte. L’aubergiste de la rose d’or fulmine, prétendant que trois negocians, que Mde. de Fourchaud a recrutés chés lui par le moyen d’un domestique de louage, se sont aussi empoisonnés chés-elle : il en avait au contraire dit du bien. Les voyageurs ont aussitôt plié bagage, jurant que la rose d’or ne les reverrait jamais…

L’abbé. Il faut convenir aussi que voilà une conduite !…

Mlle. de Franchemotte. Il n’y a que bonheur et malheur dans ce monde.

Le Chevalier. Certes, que Mde. de Fourchaud régale ainsi ses convives, c’est un malheur, et je l’en plains de toute mon ame ; qu’elle ait des Minimes : chacun a ses gouts ; mais ce que je ne puis pardonner, c’est cette chasse aux étrangers qui décèle une intrigue cupide ; car il est clair que cette espèce de racolage, dans les hôtels, a pour but de se faire payer, et pour une femme d’un certain état, ceci passe la raillerie.

Mlle. de Franchemotte. Et moi je suis d’un autre avis. J’excuse la fredaine avec les étrangers, qui sait s’ils ont été rançonnés ? mais je ne m’accoutume point aux Minimes.

l’Abbé. Il faut cependant avouer que ce sont d’onctueuses jouissances !

Mde. de Prudejoye. Les marchands n’ont pas été rançonnés : ce n’est pas le mot ; mais ils ont bel et bien payé deux louis chacun. Je n’avais pas eu le tems de vous faire part de cette circonstance…

Le Chevalier. Eh bien, trois fois deux louis, c’est six louis ; cela vaut toujours la peine d’être pris ; il y a de quoi soutenir toute une semaine ces pauvres Minimes, qui ne vivent que de charité…

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