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CHAPITRE XV


Qui en annonce d’autres plus intéressants.


Le premier soir, je me mis au lit sans sommeil, et ne pouvant garder, pour babiller, Thérèse dont les soins devaient être partagés entre plusieurs femmes, je lui dis de m’apporter, d’une petite bibliothèque dont chacun de nos appartements était pourvu, le premier livre qui lui tomberait sous la main. Ce fut précisément Thérèse philosophe. Cette lecture m’eut bientôt mise en feu. Pour lors je m’affligeai de ma solitude et du guignon de demeurer en proie aux désirs, tandis que j’avais sous le même toit mon Monrose, mon prélat, mon chevalier et Sydney. Je m’asseyais sur mon lit ; j’y rentrais, je soupirais… je prêtais attentivement l’oreille, mais un profond silence me désespérait ; on eût entendu le vol d’une mouche dans le calme insupportable qui régnait autour de moi. Une faible ressource, que je mettais en usage, ne trompait que pour quelques instants mon ennui.

Je me trouvais réellement à plaindre, quand le doux murmure d’une harpe se fit entendre si près de moi que d’abord je la crus dans ma chambre et contre mon lit. Il n’y avait cependant personne. Après un charmant prélude, une voix faible, mais touchante, mêla ses accents à ceux de l’instrument et peignit, dans plusieurs couplets dignes d’Anacréon, la vive inquiétude d’une passion encore ignorée de son objet, et le souci d’un amant que sa flamme prive du sommeil. Cette musique me parut ravissante, et ne doutant pas qu’elle ne vînt de la pièce voisine, j’y allai avec un flambeau, mais je m’étais trompée. Ce fut avec aussi peu de fruit que je parcourus successivement toutes les pièces de l’appartement. Je n’étais jamais plus près des sons que lorsque je revenais à mon lit : j’allai m’y mettre après m’être assurée à plusieurs reprises de l’inutilité de mes