Page:Nerciat - Félicia.djvu/210

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tresse ; elle était donc souvent exposée à coucher seule. Les hommes, qui avaient chacun leur amie et qui ne se mettaient pas encore assez à leur aise pour chercher à troquer, ne lui proposaient rien. Monrose couchait, comme on le sait, très près d’elle. Il valait mieux que rien. On voulait le mettre à l’épreuve ; on se flattait qu’il avait des prémices à donner, et les femmes sont à cet égard à peu près du même goût que les hommes, quoique cela soit fort différent pour elles, comme je crois en avoir déjà fait mention ailleurs.

En un mot, Soligny avait déjà fait beaucoup d’avance à Monrose. Le soir on le faisait causer ; on lui demandait mille petits services, qu’il rendait de bon cœur ; on l’employait presque en manière de valet de chambre. Ses appointements étaient force de choses flatteuses, force indécences qui le mettaient à de rudes épreuves. Quelquefois c’était son tour d’être servi. On prenait la peine de rouler ses cheveux qu’il avait de la plus grande beauté ; on le voyait se mettre au lit ; on le veillait jusqu’à ce qu’il eût les yeux fermés. La porte de communication demeurait ouverte toute la nuit, afin de pouvoir causer quand il s’éveillait. Les choses en étaient encore là quand je reçus les confidences de Monrose. — Mon bon ami, lui dis-je, je ne veux pas mésuser de ta tendresse et de tes serments pour t’interdire des plaisirs que je ne conçois pas que tu puisses refuser sans des efforts trop pénibles. Tu deviendrais aux yeux de ta voisine un être ridicule ; peut-être t’en ferais-tu haïr, si tu ne répondais pas à des avances aussi positives. Je te permets donc de terminer avec elle ; mais sois modéré et n’oublie pas de te ménager pour moi, qui ne t’aime pas uniquement pour mes plaisirs, mais qui prends le plus tendre intérêt à ta conservation.

Il me combla de remerciements et de caresses. Je vis que le fripon était ravi de la permission, et que si je la lui eusse refusée, il n’en eût sans doute été ni plus ni moins.