Page:Nerciat - Félicia.djvu/214

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À certain signal de mains, Monrose passait et repassait fort adroitement sous la cuisse de Soligny, qui sautillait en tournant sur la pointe du pied, sans perdre la mesure. Cette danse extravagante dura tant qu’il eurent de forces ; puis ils furent tomber sur l’ottomane dans les bras l’un de l’autre et reprirent haleine en attendant les plaisirs du lit qui suivirent de près. Je me retirai quand on alluma la lampe de nuit.

J’allai ensuite épier Mme Dorville, chez qui je fus charmée de voir aussi de la lumière. Je la croyais couchée avec d’Aiglemont ; mais je vis, à mon grand étonnement, sur un fauteuil, la livrée et le chapeau du laquais de la dame. Les rideaux du lit étaient fermés. Je ne pus rien voir pour cette fois.

Ce fripon de chevalier, pensai-je, sera sans doute chez Sylvine ; et monseigneur où sera-t-il ? chez lui, tout seul ! le pauvre homme ! J’eus un moment envie d’aller le trouver. Je voulais cependant voir ce qu’on faisait chez Sylvina. Mais c’était bien Sa Grandeur elle-même qui lui tenait compagnie. Ils ne dormaient pas ; ils causaient en riant, groupés voluptueusement et découverts à cause de la chaleur.

Je revins chez moi très curieuse de savoir où pouvait être d’Aiglemont. Sydney, pour me laisser jouir paisiblement de mes nouvelles possessions, n’était pas venu, comme à l’ordinaire, partager mon lit. Je n’hésitai point, et tirant à moi le suspensoir destiné à la correspondance de mon appartement à celui d’Aiglemont, je pris le chemin de chez lui et parvins à son antichambre. La porte de la chambre à coucher n’était point fermée. J’entrai à la faveur des ténèbres. En tâtonnant autour de son lit, je mis la main sur la tête d’une femme qui s’éveilla et fit un cri dont le sommeil du chevalier fut à son tour interrompu. C’était la chaste Thérèse qui partageait ainsi sa couche ; il dit plusieurs fois : « Qui va là ? Je me mis à rire ; il se leva, chercha de son mieux le joyeux lutin et passa si près de moi, comme j’allais m’échapper, que je me trouvai à portée de