Page:Nerciat - Félicia.djvu/245

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de mon réduit sur d’autres maisons, d’où je parvins (non sans avoir risqué vingt fois de me rompre le cou), je parvins, dis-je, aux fenils de l’hôtel, et je m’y tins caché un jour entier. Puis, vers la nuit, m’exposant à de nouveaux périls, je me glissai dans la chambre à coucher et jusque sous le lit de mon idole. Imaginez, Madame, ce que j’éprouvai en entrant comme un voleur dans cet appartement, où autrefois j’allais et venais librement, où j’avais souvent occupé les loisirs de la divine Aminte par quelques lectures amusantes ? Maintenant je m’y exposais au déshonneur, à la mort.

« J’étais à peine arrangé sous le lit que Mme  de Kerlandec rentra et se fit déshabiller. Puis, ayant renvoyé sa femme de chambre, elle feuilleta des papiers, reçut des lettres et enfin écrivit. Bientôt elle fut interrompue. Un laquais effrayé venait l’avertir que le vieux beau-père avait dans ce moment un violent accès de certaine colique à laquelle il était fort sujet. Elle vole aussitôt chez le vieillard. Je sors de mon embuscade, au hasard d’être surpris, je cours au secrétaire, je trouve une lettre commencée, je m’en saisis. Une boîte est à côté. Dieu ! que vois-je ? le portrait d’Aminte ! quelle fortune ! mais c’est un bijou enrichi de diamants ; n’importe, je n’ai pas le temps d’en séparer la peinture. Je m’empare du tout. Je fais aussi main basse sur les papiers. Il n’était plus possible de demeurer, j’ouvre une croisée, je me laisse couler dans le jardin. Je franchis un mur et m’échappai par la maison du voisin. Qu’il me tardait d’être chez moi pour y jouir tranquillement du fruit de ma téméraire expédition ! Le portrait était d’une ressemblance achevée. C’est celui que je possède encore. Le bracelet de cheveux était dans la boîte. Je me réserve ces effets précieux et les lettres ; quant à la boîte et aux diamants, je les fis remettre dès le lendemain avec des mesures si adroites que je n’ai jamais été découvert.

« Cependant que me revint-il de tant de danger et d’inquiétudes ? Rien, sinon de nouveaux malheurs ; la plupart des lettres étaient anglaises, le peu de françaises qui y