Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/38

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banale qu’ils savaient maintenir ainsi leur individualité farouche. Qu’étaient donc ces hommes ? Mon guide me fit gravir des rues escarpées et bruyantes où retentissaient les bruits divers de l’industrie. Nous montâmes encore par de longues séries d’escaliers, au-delà desquels la vue se découvrit. Çà et là, des terrasses revêtues de treillages, des jardinets ménagés sur quelques espaces aplatis, des toits, des pavillons légèrement construits, peints et sculptés avec une capricieuse patience : des perspectives reliées par de longues traînées de verdures grimpantes séduisaient l’œil et plaisaient à l’esprit comme l’aspect d’une oasis délicieuse, d’une solitude ignorée au-dessus du tumulte et de ces bruits d’en bas, qui là n’étaient plus que murmure. On a souvent parlé de nations proscrites, vivant dans l’ombre des nécropoles et des catacombes ; c’était ici le contraire sans doute. Une race heureuse s’était créé cette retraite aimée des oiseaux, des fleurs, de l’air pur et de la clarté. — Ce sont, me dit mon guide, les anciens habitants de cette montagne qui domine la ville où nous sommes en ce moment. Longtemps ils ont vécu simples de mœurs, aimants et justes, conservant les vertus naturelles des premiers jours du monde. Le peuple environnant les honorait et se modelait sur eux.