Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/58

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marches d’un escalier rustique, je fis un faux pas, et ma poitrine alla porter sur l’angle d’un meuble. J’eus assez de force pour me relever et m’élançai jusqu’au milieu du jardin, me croyant frappé à mort, mais voulant, avant de mourir, jeter un dernier regard au soleil couchant. Au milieu des regrets qu’entraîne un tel moment, je me sentais heureux de mourir ainsi, à cette heure, et au milieu des arbres, des treilles et des fleurs d’automne. Ce ne fut cependant qu’un évanouissement, après lequel j’eus encore la force de regagner ma demeure pour me mettre au lit. La fièvre s’empara de moi ; en me rappelant de quel point j’étais tombé, je me souvins que la vue que j’avais admirée donnait sur un cimetière, celui même où se trouvait le tombeau d’Aurélia. Je n’y pensai véritablement qu’alors ; sans quoi, je pourrais attribuer ma chute à l’impression que cet aspect m’aurait fait éprouver. — Cela même me donna l’idée d’une fatalité plus précise. Je regrettai d’autant plus que la mort ne m’eût pas réuni à elle. Puis, en y songeant, je me dis que je n’en étais pas digne. Je me représentai amèrement la vie que j’avais menée depuis sa mort, me reprochant, non de l’avoir oubliée, ce qui n’était point arrivé, mais d’avoir, en de faciles amours, fait outrage à sa mémoire. L’idée me vint d’interroger le sommeil : mais son image, qui