Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/76

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à capuchon, jeté sur ses épaules, en faisaient pour moi un être à moitié différent de celui que j’avais connu. Ce n’était plus le joyeux compagnon de mes travaux et de mes plaisirs ; il y avait en lui un apôtre. Il me raconta comment il s’était vu, au plus fort des souffrances de son mal, saisi d’un dernier transport qui lui parut être le moment suprême. Aussitôt la douleur avait cessé comme par prodige. — Ce qu’il me raconta ensuite est impossible à rendre : un rêve sublime dans les espaces les plus vagues de l’infini, une conversation avec un être à la fois différent et participant de lui-même, et à qui, se croyant mort, il demandait où était Dieu. — Mais Dieu est partout, lui répondait son esprit ; il est en toi-même et en tous. Il te juge, il t’écoute, il te conseille ; c’est toi et moi qui pensons et rêvons ensemble, — et nous ne nous sommes jamais quittés, et nous sommes éternels !

Je ne puis citer autre chose de cette conversation que j’ai peut-être mal entendue ou mal comprise. Je sais seulement que l’impression en fut très vive. Je n’ose attribuer à mon ami les conclusions que j’ai peut-être faussement tirées de ses paroles. J’ignore même si le sentiment qui en résulte n’est pas conforme à l’idée chrétienne.

— Dieu est avec lui ! m’écriai-je ; mais il n’est plus avec moi ! Ô malheur ! je l’ai chassé de moi-