Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

succession des idées par lesquelles j’ai retrouvé le repos et une force nouvelle à opposer aux malheurs futurs de la vie.

Les visions qui s’étaient succédées pendant mon sommeil m’avaient réduit à un tel désespoir, que je pouvais à peine parler ; la société de mes amis ne m’inspirait qu’une distraction vague ; mon esprit, entièrement occupé de ces illusions, se refusait à la moindre conception différente ; je ne pouvais lire et comprendre dix lignes de suite. Je me disais des plus belles choses : « Qu’importe ! cela n’existe pas pour moi. » Un de mes amis, nommé Georges, entreprit de vaincre ce découragement. Il m’emmenait dans diverses contrées des environs de Paris, et consentait à parler seul, tandis que je ne répondais qu’avec quelques phrases décousues. Sa figure expressive, et presque cénobitique, donna un jour un grand effet à des choses fort éloquentes qu’il trouva contre ces années de scepticisme et de découragement politique et social qui succédèrent à la révolution de Juillet. J’avais été l’un des jeunes de cette époque, et j’en avais goûté les ardeurs et les amertumes. Un mouvement se fit en moi ; je me dis que de telles leçons ne pouvaient être données sans une intention de la Providence et qu’un esprit parlait sans doute en lui… Un jour, nous dînions sous