Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/107

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pas ; c’est aujourd’hui la fête de l’arc, la seule de l’année où l’on danse toute la nuit. — Elle est à la fête…

Quelle heure est-il ?

Je n’avais pas de montre.

Au milieu de toutes les splendeurs de bric-à-brac qu’il était d’usage de réunir à cette époque pour restaurer dans sa couleur locale un appartement d’autrefois, brillait d’un éclat rafraîchi une de ces pendules d’écaille de la Renaissance, dont le dôme doré surmonté de la figure du Temps est supporté par des cariatides du style Médicis, reposant à leur tour sur des chevaux à demi cabrés. La Diane historique, accoudée sur son cerf, est en bas-relief sous le cadran, où s’étalent sur un fond niellé les chiffres émaillés des heures. Le mouvement, excellent sans doute, n’avait pas été remonté depuis deux siècles. — Ce n’était pas pour savoir l’heure que j’avais acheté cette pendule en Touraine.

Je descendis chez le concierge. Son coucou marquait une heure du matin.

— En quatre heures, me dis-je, je puis arriver au bal de Loisy.

Il y avait encore sur la place du Palais-Royal cinq ou six fiacres stationnant pour les habitués des cercles et des maisons de jeu :

— À Loisy ! dis-je au plus apparent.

— Où cela est-il ?

— Près de Senlis, à huit lieues.

— Je vais vous conduire à la poste, dit le cocher, moins préoccupé que moi.

Quelle triste route, la nuit, que cette route de Flandre, qui ne devient belle qu’en atteignant la zone des forêts ! Toujours ces deux files d’arbres monotones qui grimacent des formes vagues ; au-delà, des carrés de verdure et de terres remuées, bornés à gauche par les collines bleuâtres de Montmorency, d’Écouen, de Luzarches. Voici Gonesse, le bourg vulgaire plein des souvenirs de la Ligue et de la Fronde…