Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/111

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meurais chez mon oncle. En quittant le chemin pour traverser un petit bois qui sépare Loisy de Saint-S…, je ne tardai pas à m’engager dans une sente profonde qui longe la forêt d’Ermenonville ; je m’attendais ensuite à rencontrer les murs d’un couvent qu’il fallait suivre pendant un quart de lieue. La lune se cachait de temps à autre sous les nuages, éclairant à peine les roches de grès sombre et les bruyères qui se multipliaient sous mes pas. À droite et à gauche, des lisières de forêts sans routes tracées, et toujours devant moi ces roches druidiques de la contrée qui gardent le souvenir des fils d’Armen exterminés par les Romains ! Du haut de ces entassements sublimes, je voyais les étangs lointains se découper comme des miroirs sur la plaine brumeuse, sans pouvoir distinguer celui même où s’était passée la fête.

L’air était tiède et embaumé ; je résolus de ne pas aller plus loin et d’attendre le matin, en me couchant sur des touffes de bruyères. — En me réveillant, je reconnus peu à peu les points voisins du lieu où je m’étais égaré dans la nuit. À ma gauche, je vis se dessiner la longue ligne des murs du couvent de Saint-S…, puis de l’autre côté de la vallée, la butte aux Gens-d’Armes, avec les ruines ébréchées de l’antique résidence carlovingienne. Près de là, au-dessus des touffes de bois, les hautes masures de l’abbaye de Thiers découpaient sur l’horizon leurs pans de muraille percés de trèfles et d’ogives. Au-delà, le manoir gothique de Pontarmé, entouré d’eau comme autrefois, refléta bientôt les premiers feux du jour, tandis qu’on voyait se dresser au midi le haut donjon de la Tournelle et les quatre tours de Bertrand-Fosse sur les premiers coteaux de Montméliant.

Cette nuit m’avait été douce, et je ne songeais qu’à Sylvie ; cependant l’aspect du couvent me donna un instant l’idée que c’était celui peut-être qu’habitait Adrienne. Le tintement de la cloche du matin était encore dans mon oreille et m’avait sans doute réveillé. J’eus un instant l’idée de jeter un coup d’œil par-dessus les murs en gravissant la plus haute pointe