Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sans compter, disait ce garçon en m’embrassant, que tu avais une belle montre en argent, et qu’en revenant tu étais bien plus inquiet de ta montre que de toi-même, parce qu’elle ne marchait plus ; tu disais : « La bête est nayée, ça ne fait plus tic-tac ; qu’est-ce que mon oncle va dire ?… »

— Une bête dans une montre ! dit le père Dodu, voilà ce qu’on leur fait croire à Paris, aux enfants !  

Sylvie avait sommeil, je jugeai que j’étais perdu dans son esprit. Elle remonta à sa chambre, et pendant que je l’embrassais, elle dit :

— À demain, venez nous voir !  

Le père Dodu était resté à table avec Sylvain et mon frère de lait ; nous causâmes longtemps autour d’un flacon de ratafiat de Louvres.

— Les hommes sont égaux, dit le père Dodu entre deux couplets, je bois avec un pâtissier comme je le ferais avec un prince.

— Où est le pâtissier ? dis-je.

— Regarde à côté de toi ! un jeune homme qui a l’ambition de s’établir.

Mon frère de lait parut embarrassé. J’avais tout compris. C’est une fatalité qui m’était réservée d’avoir un frère de lait dans un pays illustré par Rousseau, — qui voulait supprimer les nourrices ! — Le père Dodu m’apprit qu’il était fort question du mariage de Sylvie avec le grand frisé, qui voulait aller former un établissement de pâtisserie à Dammartin. Je n’en demandai pas plus. La voiture de Nanteuil-le-Haudoin me ramena le lendemain à Paris.

XIII

AURÉLIE

À Paris ! — La voiture met cinq heures. Je n’étais pressé que d’arriver pour le soir. Vers huit heures, j’étais assis dans