Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satire, ou si cette belle morte que Lautrec a tirée du linceul n’était pas une sorte de vampire, comme les légendes nous en présentent souvent.

Du reste, les variantes et les interpolations sont fréquentes dans ces chansons ; chaque province possédait une version différente. On a recueilli comme une légende du Bourbonnais, la Jeune Fille de la Garde, qui commence ainsi :

Au château de la Garde — Il y a trois belles filles, — Il y en a une plus belle que le jour, — Hâte-toi, capitaine, — Le duc va l’épouser.

C’est celle que nous avons citée, qui commence ainsi :

Dessous le rosier blanc — La belle se promène.

Voilà le début, simple et charmant ; où cela se passe-t-il ? Peu importe ! Ce serait si l’on voulait la fille d’un sultan rêvant sous les bosquets de Schiraz. Trois cavaliers passent au clair de la lune : « Montez, dit le plus jeune, sur mon beau cheval gris. » N’est-ce pas là la course de Lénore, et n’y a-t-il pas une attraction fatale dans ces cavaliers inconnus !

Ils arrivent à la ville, s’arrêtent à une hôtellerie éclairée et bruyante. La pauvre fille tremble de tout son corps :

Aussitôt arrivée, — L’hôtesse la regarde. — « Êtes-vous ici par force — ou pour votre plaisir ? — Au jardin de mon père — Trois cavaliers m’ont pris. »

Sur ce propos le souper se prépare : « Soupez, la belle, et soyez heureuse ;

Avec trois capitaines, — Vous passerez la nuit. »

Mais le souper fini, — La belle tomba morte. — Elle tomba morte — Pour ne plus revenir !

« Hélas ! ma mie est morte ! s’écria le plus jeune cavalier ;