Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

neuse ; sa main droite tient le sistre, qui rend un son clair, si main gauche un vase d’or en forme de gondole.

Telle, exhalant les plus délicieux parfums de l’Arabie Heureuse, elle apparaît à Lucius, et lui dit :

« Tes prières m’ont touchée ; moi, la mère de la nature, la maîtresse des éléments, la source première des siècles, la plus grande des divinités, la reine des mânes ; moi qui confonds en moi-même et les dieux et les déesses ; moi dont l’univers a adoré sous mille formes l’unique et toute-puissante divinité. Ainsi, l’on me nomme en Phrygie, Cybèle ; à Athènes, Minerve ; en Chypre, Vénus Paphienne ; en Crète, Diane Dyctinne ; en Sicile, Proserpine Stygienne ; à Éleusis, l’antique Cérès ; ailleurs, Junon, Bellone, Hécate ou Némésis, tandis que l’Égyptien, qui dans les sciences précéda tous les autres peuples, me rend hommage sous mon vrai nom de la déesse Isis.

« Qu’il te souvienne, dit-elle à Lucius après lui avoir indiqué les moyens d’échapper à l’enchantement dont il est victime, que tu dois me consacrer le reste de ta vie, et, dès que tu auras franchi le sombre bord, tu ne cesseras encore de m’adorer, soit dans les ténèbres de l’Achéron ou dans les Champs-Elysées ; et si, par l’observation de mon culte et par une inviolable chasteté, tu mérites bien de moi, tu sauras que je puis seule prolonger ta vie spirituelle au delà des bornes marquées. »

Ayant prononcé ces adorables paroles, l’invincible déesse disparaît et se recueille dans sa propre immensité.

Certes, si le paganisme avait toujours manifesté une conception aussi pure de la Divinité, les principes religieux issus de la vieille terre d’Égypte régneraient encore selon cette forme sur la civilisation moderne. — Mais n’est-il pas à remarquer que c’est aussi de l’Égypte que nous viennent les premiers fondements de la foi chrétienne ? Orphée et Moïse, initiés tous deux aux mystères isiaques, ont simplement annoncé à des races diverses des vérités sublimes, — que la