main, la sentence s’accomplira, et le soir même je cueillerai ce fruit tant convoité et l’accommoderai de la manière qu’il faut.
— Non-da ! s’écria Eustache ; et je veux, dès demain, dire à messieurs tout le mystère.
— Ah ! c’est bon, faites cela… et seulement vous serez brûlé vif pour avoir usé de magie, ce qui vous habituera par avance à la broche de M. le diable… Mais ceci même ne sera point, car votre horoscope porte la hart, et rien ne peut vous en distraire !
Alors le misérable Eustache se mit à crier si fort et à pleurer si chaudement, que c’était grande pitié.
— Eh la la ! mon ami cher, lui fit doucement maître Gonin, pourquoi se bander ainsi contre la destinée ?
— Sainte Dame ! c’est aisé de parler, sanglota Eustache ; mais quand la mort est là tout proche…
— Eh bien ! qu’est-ce donc que la mort, que l’on s’en doive tant étonner ?… Moi, j’estime la mort une rave ! « Nul ne meurt avant son heure ! » dit Sénèque le Tragique. Êtes-vous donc seul son vassal, à cette dame camarde ? Aussi le suis-je, et celui-là, un tiers, un quart, Martin, Philippe !… La mort n’a respect à aucun. Elle est si hardie, qu’elle condamne, tue, et prend indifféremment papes, empereurs et rois, comme prévôts, sergents et autres telles canailles.
« Donc, ne vous affligez point de faire ce que tous les autres feront plus tard ; leur condition est plus déplorable que la vôtre ; car, si la mort est un mal, elle n’est mal qu’à ceux qui ont à mourir. Ainsi, vous n’avez plus qu’un jour de ce mal, et la plupart des autres en ont vingt ou trente ans, et davantage.
« Un ancien disait : « L’heure qui vous a donné la vie l’a déjà diminuée… » Vous êtes en la mort pendant que vous êtes en la vie ; car, quand vous n’êtes plus en vie, vous êtes après la mort ; ou, pour mieux dire et bien terminer, la mort ne vous concerne ni mort ni vif : vif, parce que vous êtes ; mort parce que vous n’êtes plus !