Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/312

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Ne mit en oubli la force
De son foudre rougissant :
Mi-courbant la tête en bas,
Et bien haut levant le bras,
Contre eux guigna sa tempête,
Laquelle, en les foudroyant,
Siffloit, aigu-tournoyant,
Comme un fuseau sur leur tête.

De feu, les deux piliers du monde,
Brûlés jusqu’au fond, chanceloient :
Le ciel ardoit, la terre et l’onde
Tout pétillants étinceloient, etc.


La langue est encore la même que dans le morceau cité plus haut ; mais quelle différence dans la vigueur du style et l’éclat de la pensée ! £h bien, veut-on savoir tout d’un coup à quoi s’en tenir sur les progrès que Ronsard a fait faire à la langue poétique, qu’on rapproche ce fragment, composé dans ses premières années, des vers suivants, composés dix ans après, pour l’avènement au trône de Charles IX. Ce sont quelques-uns des conseils qu’il lui adresse :


Ne vous montrez jamais pompeusement vêtu
L’habillement des rois est la seule vertu ;
Que votre corps reluise en vertus glorieuses,
Non par habits chargés de pierres précieuses.
D’amis plus que d’argent montrez-vous désireux.
Les princes sans amis sont toujours malheureux ;
Aimez les gens de bien, ayant toujours envie
De ressembler à ceux qui sont de bonne vie ;
Punissez les malins et les séditieux :
Ne soyez point chagrin, dépit, ni furieux,
Mais honnête et gaillard, portant sur le visage
De votre gentille âme un gentil témoignage.

Or, sire, pour autant que nul n’a le pouvoir
De châtier les rois qui font mal leur devoir,
Corrigez-vous vous-même, afin que la justice
De Dieu qui est plus grand vos fautes ne punisse.