Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/371

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Et d’abord est-ce que l’on croit à cette femme aux cheveux de mérinos ?

Je suis forcé d’y croire ; et plus sûrement encore que les promesses de l’affiche. L’affiche existe, mais la femme pourrait ne pas exister… Eh bien, le saltimbanque n’avait rien écrit que de véritable :

La représentation a commencé à l’heure dite. Un homme assez replet, mais encore vert, est entré en costume de Figaro. Les tables étaient garnies en partie par le peuple de Meaux, en partie par les cuirassiers du 6e.

M. Montaldo, — car c’était lui, — a dit avec modestie :

— Signori, ze vais vi faire entendre le grand aria di Figaro.

Il commence :

Tra de ra la, de ra la, de ra la, ah !…

Sa voix, un peu usée, mais encore agréable, était accompagnée d’un basson.

Quand il arriva au vers : Largo al, fattotum della cità ! je crus devoir me permettre une observation. Il prononçait cita. Je dis tout haut : Tchita ! ce qui étonna un peu les cuirassiers et le peuple de Meaux. Le chanteur me fit un signe d’assentiment, et, quand il arriva à cet autre vers : « Figaro-ci, Figaro-là… », il eut soin de prononcer tchi. — J’étais flatté de cette attention.

Mais, en faisant sa quête, il vint à moi et me dit (je ne donne pas ici la phrase patoisée) :

— On est heureux de rencontrer des amateurs instruits… ma ze souis de Tourino, et, à Tourino, nous prononçons ci. Vous aurez entendu le tchi à Rome ou à Naples ?

— Effectivement !… Et votre Vénitienne ?

— Elle va paraître à neuf heures. En attendant, je vais danser une cachucha avec cette jeune personne que j’ai l’honneur de vous présenter.

La cachucha n’était pas mal, mais exécutée dans un goût un peu classique… Enfin, la femme aux cheveux de mérinos parut dans toute sa splendeur. C’étaient effectivement des che-