Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/389

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dans les maisons de la ville. Ils aiment beaucoup la bière et y trouvent leur tombeau.

— Garçon, lui dis-je, vous êtes plus beau que nature ; et votre conversation me séduit… Mais est-il vrai que l’on fasse des réparations au château ?

— Monsieur vient d’en être convaincu.

— Convaincu, grâce à votre raisonnement ; mais êtes-vous sûr du fait en lui-même ?

— Les journaux en ont parlé.

Absent de France pendant longtemps, je ne pouvais contester ce témoignage. Le lendemain, je me rendis au château pour voir où en était la restauration. Le sergent-concierge me dit, avec un sourire qui n’appartient qu’à un militaire de ce grade :

— Monsieur, seulement pour raffermir les fondations du château, il faudrait neuf millions ; les apportez-vous ?

Je suis habitué à ne m’étonner de rien.

— Je ne les ai pas sur moi, observai-je ; mais cela pourrait encore se trouver !

— Eh bien, dit-il, quand vous les apporterez, nous vous ferons voir le château.

J’étais piqué ; ce qui me fit retourner à Saint-Germain deux jours après. J’avais trouvé l’idée.

— Pourquoi, me disais-je, ne pas faire une souscription ? La France est pauvre ; mais il viendra beaucoup d’Anglais l’année prochaine pour l’exposition des Champs-Élysées. Il est impossible qu’ils ne nous aident pas à sauver de la destruction un château qui a hébergé plusieurs générations de leurs reines et de leurs rois. Toutes les familles jacobites y ont passé. — La ville encore est à moitié pleine d’Anglais ; j’ai chanté tout enfant les chansons du roi Jacques et pleuré Marie Stuart en déclamant les vers de Ronsard et de du Bellay… La race des king-charles emplit les rues comme une preuve vivante encore des affections de tant de races disparues… Non ! me dis-je, les Anglais ne refuseront pas de s’associer à une souscription