Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/213

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Toutefois, elle ne pouvait s’empêcher de s’écrier par instants : "Le grand cheval ! le grand cheval !" mais sa tenue modeste et résolue à la fois inspirait quelque respect à ses ravisseurs, et surtout à Tomahawk leur chef, qui, en arrivant à Miamy, quartier général des peaux rouges, la plaça sous la protection de sa mère, avec le titre de dame d’honneur. Sans doute, ce poste n’eût pas été à dédaigner, si le fils de la princesse mère avait eu à gouverner quelque chose qui en valût la peine ; mais le roi des Shawneeses, frère aîné de Tomahawk, n’étendait guère son empire que sur un territoire de quelques centaines de milles carrés. Ses sujets étaient des sauvages non encore civilisés, qui, dans leur intelligence bornée, n’avaient aucune idée du droit divin de leur souverain, c’est-à-dire qu’ils ne voulaient pas travailler pour lui, disant qu’il avait, comme eux, reçu du grand Esprit deux bras propres au travail.

Nos bienveillants lecteurs comprendront qu’au milieu d’une réunion d’hommes si déraisonnables, mistress Toffel ne pouvait compter sur de grands avantages, malgré la place honorable qu’elle occupait. Du reste, elle vit bien que des pleurs et des jérémiades ne pouvaient qu’empirer sa position, et qu’il valait mieux l’accepter bravement et chercher à se rendre utile. Aussi, avec une mine où l’on ne pouvait méconnaître un trait d’ironie, elle saisit le lendemain matin la marmite remplie de gibier, et se mit à préparer elle-même le repas des Indiens. Ceux-ci s’assirent bientôt à l’entour en croisant les jambes : Whoo ! s’écria le souverain, qu’avons-nous là ? De sa vie, il n’avait fait un aussi délicieux déjeuner à la fourchette, dirions-nous, si les sauvages avaient des fourchettes. La princesse mère indiqua de sa main, et en souriant gracieusement, sa dame d’honneur,