Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/23

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dont il se servit, pour marquer, lettre à lettre, les ordonnances rendues fort courtes à dessein : l’huile et la fumée de sa lampe lui fournissant l’encre nécessaire.

Dès lors les bulletins officiels se multiplièrent sous une forme beaucoup plus satisfaisante. Plusieurs de ces pièces, conservées et réimprimées plusieurs fois depuis, sont fort curieuses, notamment celle qui déclare que le roi Henri deuxième, en son conseil, ouïes les clameurs pitoyables des bonnes gens de son royaume contre les perfidies et injustices de Paul et Jean Spifame, tous deux frères du fidèle sujet de ce nom, les condamnait à être tenaillés, écorchés et boullus. Quant à la fille ingrate de Raoul Spifame, elle devait être fouettée en plein pilori, et enfermée ensuite aux filles repenties.

L’une des ordonnances les plus mémorables qui aient été conservés de cette période, est celle où Spifame, gardant rancune du premier arrêt des juges qui lui avait défendu l’entrée de la salle des Pas-Perdus, pour y avoir péroré de façon imprudente et exorbitante, ordonne, de par le roi, à tous huissiers, gardes ou suppôts judiciaires, de laisser librement pénétrer dans ladite salle son ami et féal Raoul Spifame ; défendant à tous avocats, plaideurs, passants et autres canailles, de gêner en rien les mouvements de son éloquence ou les agréments non pareils de sa conversation familière touchant toutes les matières politiques et autres sur lesquelles il lui plairait de dire son avis.

Ses autres édits, arrêts et ordonnances, conservés jusqu’à nous, comme rendus au nom d’Henri II, traitent de la justice, des finances, de la guerre, et surtout de la police intérieure de Paris.

Vignet imprima, en outre, pour son compte, plusieurs épigrammes contre ses rivaux en poésie, dont il s’était fait donner déjà les places, bénéfices et pensions. Il faut dire que ne voyant guère qu’eux seuls au monde, les deux compagnons s’occupaient sans relâche, l’un à demander des faveurs, l’autre à les prodiguer.