Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/243

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purent rien, tant la curiosité et l’espoir secret de dominer sont des ressorts puissants chez les femmes. Toutes rentrèrent dans le temple telles que la grande prêtresse l’avait ordonné.

Il était trois heures de la nuit. Chacun reprit sa place. On présenta différentes liqueurs pour soutenir les forces. Ensuite on ordonna de détacher les voiles et de s’en couvrir le visage. Après un quart d’heure de silence, une sorte de dôme s’ouvrit, et, sur une grosse boule d’or, descendit un homme drapé en génie, tenant dans sa main un serpent et portant sur sa tête une flamme brillante.

— C’est du génie même de la vérité, dit la grande maîtresse, que je veux que vous appreniez les secrets dérobés si longtemps à votre sexe. Celui que vous allez entendre est le célèbre, l’immortel, le divin Cagliostro, sorti du sein d’Abraham, sans avoir été conçu, et dépositaire de tout ce qui a été, de tout ce qui est et de tout ce qui sera connu sur la terre.

— Filles de la terre, s’écria-t-il, si les hommes ne vous tenaient cas dans l’erreur, vous finiriez par vous lier ensemble à une union invincible. Votre douceur, votre indulgence vous feraient adorer de ce peuple, auquel il faut commander pour avoir son respect. Vous ne connaissez ni ces vices qui troublent la raison, ni cette frénésie qui met tout un royaume en feu. La nature a tout fait pour vous. Jaloux, ils avilissent son ouvrage, dans l’espoir qu’il ne sera jamais connu. Si, repoussant un sexe trompeur, vous cherchiez dans le vôtre la vraie sympathie, vous n’auriez jamais à rougir de ces honteuses rivalités, de ces jalousies au-dessous de vous. Jetez vos regards sur vous-mêmes, sachez vous apprécier, ouvrez vos âmes à la tendresse pure, que le baiser de l’amitié annonce ce qui se passe dans vos cœurs.

Ici l’orateur s’arrêta. Toutes les femmes s’embrassèrent. Au même instant, les ténèbres remplacent la lumière, et le génie de la vérité remonte par son dôme. La grande maîtresse par-