Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/81

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peignit son embarras et son désespoir, puis s’enfuit quand elle sembla revenir à la vie, n’osant supporter son premier regard…

Tout s’est donc accompli. La pauvre femme, qui peut-être avait aimé en silence, mais que le devoir retenait toujours, ne se lève pas le lendemain matin. Tiennette vient seulement dire à Nicolas qu’elle est malade et que le déjeuner est préparé pour lui seul. Tant de réserve, tant de bonté, c’est une torture nouvelle pour l’âme qui se sent coupable. Nicolas se jette aux pieds de Tiennette étonnée, il lui baigne les mains de ses larmes.

— Oh ! laisse-moi, laisse-moi la voir, lui demander pardon à genoux ! que je puisse lui dire combien j’ai regret de mon crime…

Mais Tiennette ne comprenait pas.

— De quel crime parlez-vous, monsieur Nicolas ? Madame est indisposée ; seriez-vous malade aussi ?… Vous avez la fièvre certainement.

— Non ! Tiennette ! mais que je la voie !…

— Mon Dieu ! monsieur Nicolas, qui vous empêche d’aller voir madame ?

Nicolas était déjà dans la chambre de la malade. Prosterné près du lit, il pleurait sans dire une parole, et n’osait même pas lever les yeux sur sa maîtresse. Celle-ci rompit le silence.

— Qui l’aurait pensé ? dit-elle, que le fils de tant d’honnêtes gens commettrait une action… ou du moins la voudrait commettre…

— Madame ! écoutez-moi !

— Ah ! vous pouvez parler… Je n’aurai pas la force de vous interrompre.

Nicolas se précipita sur une main que Mme Parangon retira aussitôt ; sa figure enflammée s’imprimait sur la fraîche toile des draps, sans qu’il pût retrouver un mot, rendre le calme à son esprit. Son désordre effraya même la femme qu’il avait si gravement offensée.