Page:Nerval - Petits Châteaux de Bohême, 1853.djvu/88

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Ô mon père ! est-ce toi que je sens en moi-même ?
As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort ?
Aurais-tu succombé sous un dernier effort

De cet ange des nuits que frappa l’anathème…
Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir,
Hélas ! et si je meurs, c’est que tout va mourir ! »


IV


Nul n’entendait gémir l’éternelle victime,
Livrant au monde en vain tout son cœur épanché ;
Mais prêt à défaillir et sans force penché,
Il appela le seul — éveillé dans Solyme :

« Judas ! lui cria-t-il, tu sais ce qu’on m’estime,
Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché :
Je suis souffrant, ami ! sur la terre couché…
Viens ! ô toi qui, du moins, as la force du crime ! »

Mais Judas s’en allait, mécontent et pensif,
Se trouvant mal payé, plein d’un remords si vif
Qu’il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites…