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VOYAGE EN ORIENT.

Le milieu du jour arriva, et mon pauvre compagnon de route ne parlait pas d’aller plus loin… Mais je t’ai déjà parlé de cela.

Est-ce l’atteinte des fièvres que j’ai moi-même éprouvée en Syrie, qui me fait revenir à la pensée de cette mort avec un sentiment si triste ?…

Et c’est au milieu du cimetière de Galata, devant l’éblouissant tableau de Constantinople et de Scutari, qui bordent sous mes yeux la côte d’Europe et la côte d’Asie, que je pense tristement à cette fin si prématurée, à cet homme dont les derniers entretiens m’avaient révélé tant de science modeste et tant d’affabilité, précieuse en voyage sur cette terre arabe… où l’on n’a qu’à choisir entre des tombes et des ruines.

Tout m’accable à la fois. J’ai écrit au consul de Beyrouth en le priant de s’informer du sort des personnes qui m’étaient devenues chères… Il n’a pu me donner que des renseignements vagues. Une révolte nouvelle avait éclaté dans le Hauran… Qui sait ce que seront devenus le bon cheik druse, et sa fille, et l’esclave que j’avais laissée dans leur famille ? Un prochain courrier me l’apprendra peut-être.


III

Péra.

Mon itinéraire de Beyrouth à Constantinople est nécessairement fort succinct. Je m’étais embarqué sur le paquebot autrichien, et, le lendemain de mon départ, nous relâchions à Larnaca, un port de Chypre. Malheureusement, là comme ailleurs, il nous était interdit de descendre, à moins de faire quarantaine. Les côtes sont arides comme dans tout l’archipel ; c’est, dit-on, dans l’intérieur de cette île que l’on retrouve seulement les vastes prairies, les bois touffus et les forêts ombreuses consacrées jadis à la déesse de Paphos. Les ruines du temple existent encore, et le village qui les entoure est la résidence d’un évêque.

Le lendemain, nous avons vu se dessiner les sombres mon-