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LES NUITS DU RAMAZAN.

deviendrait la vie de l’homme, si nous ne lui faisions passer en secret l’élément du feu, emprisonné dans les pierres, ainsi que le fer propre à retirer l’étincelle ?

Ces explications satisfaisaient Adoniram et l’étonnaient. Il s’approcha des ouvriers sans comprendre comment ils pouvaient travailler sur des fleuves d’or, d’argent, de cuivre, de fer, les séparer, les endiguer et les tamiser comme l’onde.

— Ces éléments, répondit à sa pensée Tubal-Kaïn, sont liquéfiés par la chaleur centrale : la température où nous vivons ici est à peu près une fois plus forte que celle des fourneaux où tu dissous la fonte.

Adoniram, épouvanté, s’étonna de vivre.

— Cette chaleur, reprit Tubal-Kaïn, est la température naturelle des âmes qui furent extraites de l’élément du feu. Adonaï plaça une étincelle imperceptible au centre du moule de terre dont il s’avisa de faire l’homme, et cette parcelle a suffi pour échauffer le bloc, pour l’animer et le rendre pensant ; mais, là-haut, cette âme lutte contre le froid : de là les limites étroites de vos facultés ; puis il arrive que l’étincelle est entraînée par l’attraction centrale, et vous mourez.

La création ainsi expliquée causa un mouvement de dédain à Adoniram.

— Oui, continua son guide ; c’est un dieu moins fort que subtil, et plus jaloux que généreux, le dieu Adonaï ? Il a créé l’homme de boue, en dépit des génies du feu ; puis, effrayé de son œuvre et de leurs complaisances pour cette triste créature, il l’a, sans pitié pour leurs larmes, condamnée à mourir. Voilà le principe du différend qui nous divise : toute la vie terrestre procédant du feu est attirée par le feu qui réside au centre. Nous avions voulu qu’en retour le feu central fût attiré par la circonférence et rayonnât au dehors ; cet échange de principes était la vie sans fin.

» Adonaï, qui règne autour des mondes, mura la terre et intercepta cette attraction externe. Il en résulte que la terre mourra comme ses habitants. Elle vieillit déjà ; la fraîcheur la