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LES NUITS DU RAMAZAN.

Quand le disque de la lune percera le ciel au-dessus des coteaux d’Éphraïm, traversez le Cédron, et approchez-vous de notre camp jusqu’au bosquet d’oliviers qui en masque les tentes aux habitants des deux collines. Là, nous prendrons conseil de la sagesse et de la réflexion.

Ils se séparèrent à regret : Balkis rejoignit sa suite, et Adoniram la suivit des yeux jusqu’au moment où elle disparut dans le feuillage des lauriers-roses.


IX — LES TROIS COMPAGNONS


À la séance suivante, le conteur reprit :

Soliman et le grand prêtre des Hébreux s’entretenaient depuis quelque temps sous les parvis du temple.

— Il le faut bien, dit avec dépit le pontife Sadoc à son roi, et vous n’avez que faire de mon consentement à ce nouveau délai. Comment célébrer un mariage, si la fiancée n’est pas là ?

— Vénérable Sadoc, reprit le prince avec un soupir, ces retards décevants me touchent plus que vous, et je les subis avec patience.

— À la bonne heure ; mais, moi, je ne suis pas amoureux, dit le lévite en passant sa main sèche et pâle, veinée de lignes bleues, sur sa longue barbe blanche et fourchue.

— C’est pourquoi vous devriez être plus calme.

— Eh quoi ! repartit Sadoc, depuis quatre jours, hommes d’armes et lévites sont sur pied ; les holocaustes volontaires sont prêts ; le feu brûle inutilement sur l’autel, et, au moment solennel, il faut tout ajourner. Prêtres et roi sont à la merci des caprices d’une femme étrangère, qui nous promène de prétexte en prétexte et se joue de notre crédulité.

Ce qui humiliait le grand prêtre, c’était de se couvrir inutilement chaque jour des ornements pontificaux, et d’être obligé de s’en dépouiller ensuite sans avoir fait briller, aux yeux de la cour des Sabéens, la pompe hiératique des cérémonies