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VOYAGE EN ORIENT.

Dès que le mineur se vit seul en présence du roi et du grand prêtre, il se prosterna et dit :

— Seigneur, étendez votre sceptre afin que je ne meure point.

Soliman étendit la main et répondit :

— Ta bonne foi te sauve ; ne crains rien, Méthousaêl, de la tribu de Ruben !

— Le front couvert d’un cafetan, le visage enduit d’une teinture sombre, je me suis mêlé, à la faveur de la nuit, aux eunuques noirs qui entourent la princesse : Adoniram s’est glissé dans l’ombre jusqu’à ses pieds ; il l’a longuement entretenue, et le vent du soir a porté jusqu’à mon oreille le frémissement de leurs paroles ; une heure avant l’aube, je me suis esquivé : Adoniram était encore avec la princesse…

Soliman contint une colère dont Méthousaël reconnut les signes sur ses prunelles.

— Ô roi ! s’écria-t-il, j’ai dû obéir ; mais permettez-moi de ne rien ajouter.

— Poursuis ! je te l’ordonne.

— Seigneur, l’intérêt de votre gloire est cher à vos sujets. Je périrai s’il le faut ; mais mon maître ne sera point le jouet de ces étrangers perfides. Le grand prêtre des Sabéens, la nourrice et deux des femmes de la reine sont dans le secret de ces amours. Si j’ai bien compris, Adoniram n’est point ce qu’il parait être, et il est investi, ainsi que la princesse, d’une puissance magique. C’est par là qu’elle commande aux habitants de l’air, comme l’artiste aux esprits du feu. Néanmoins, ces êtres si favorisés redoutent votre pouvoir sur les génies, pouvoir dont vous êtes doué à votre insu. Sarahil a parlé d’un anneau constellé dont elle a expliqué les propriétés merveilleuses à la reine étonnée, et l’on a déploré à ce sujet une imprudence de Balkis. Je n’ai pu saisir le fond de l’entretien, car on avait baissé la voix, et j’aurais craint de me perdre en m’approchant de trop près. Bientôt Sarahil, le grand prêtre, les suivantes, se sont retirés en fléchissant le genou devant Adoniram, qui