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VOYAGE EN ORIENT.

princes nous visitent comme autrefois les rois de l’Orient visitaient Rome. Il peut résulter de grandes choses du frottement de ces deux civilisations longtemps ennemies, qui trouveront leurs points de contact en se débarrassant des préjugés qui les séparent encore. C’est à nous de faire les premiers pas et de rectifier beaucoup d’erreurs dans nos opinions sur les mœurs et les institutions sociales de l’Orient. Notre situation en Algérie nous en fait surtout un devoir. Il faut nous demander si nous avons quelque chose à gagner par la propagande religieuse, ou s’il convient de nous borner à influer sur l’Orient par les lumières de la civilisation et de la philosophie. Les deux moyens sont également dans nos mains ; il serait bon de savoir encore si nous n’aurions pas à puiser dans cette étude quelques enseignements pour nous-mêmes.

Lorsque l’armée française s’empara de l’Égypte, il ne manquait pas dans ses rangs de moralistes et de réformateurs décidés à faire briller le flambeau de la raison, comme on disait alors, sur ces sociétés barbares ; quelques mois plus tard, Napoléon lui-même invoquait dans ses proclamations le nom de Mahomet, et le successeur de Kléber embrassait la religion des vaincus ; beaucoup d’autres Français ont alors et depuis suivi cet exemple, et, en regard de quelques illustres personnages qui se sont faits musulmans, on aurait peine à citer beaucoup de musulmans qui se soient faits chrétiens. Ceci peut-être prouverait seulement que l’islamisme offre à l’homme certains avantages qui n’existent pas pour la femme. La polygamie a pu, en effet, tenter de loin quelques esprits superficiels ; mais, certes, ce motif n’a dû avoir aucune influence sur quiconque pouvait étudier de près les mœurs réelles de l’Orient. M. de Sokolniçki a réuni, dans un ouvrage un peu paradoxal peut-être, mais où l’on rencontre beaucoup d’observation et de science, tous les passages du Coran et de quelques autres livres orientaux qui ont rapport à la situation des femmes. Il n’a pas eu de peine à prouver que Mahomet n’avait établi en Orient ni la polygamie, ni la réclusion, ni l’esclavage ; cela ne peut plus même être un