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VOYAGE EN ORIENT.

trement, il faut pouvoir produire quatre témoins, qui, s’ils se trompent ou accusent à faux, risquent chacun de recevoir quatre-vingts coups de fouet. Quant à la femme et à son complice, dûment convaincus du crime, ils reçoivent cent coups de fouet chacun en présence d’un certain nombre de croyants. Il faut remarquer que les esclaves mariées ne sont passibles que de cinquante coups, en vertu de cette belle pensée du législateur que les esclaves doivent être punis moitié moins que les personnes libres, l’esclavage ne leur laissant que la moitié des biens de la vie.

Tout ceci est dans le Coran ; il est vrai qu’il y a bien des choses, dans le Coran comme dans l’Évangile, que les puissants expliquent et modifient selon leur volonté. L’Évangile ne s’est pas prononcé sur l’esclavage, et, sans parler des colonies européennes, les peuples chrétiens ont des esclaves en Orient, comme les Turcs. Le bey de Tunis vient, du reste, de supprimer l’esclavage dans ses États, sans contrevenir à la loi musulmane. Cela n’est donc qu’une question de temps. Mais quel est le voyageur qui ne s’est étonné de la douceur de l’esclavage oriental ? L’esclave est presque un enfant adoptif et fait partie de la famille. Il devient souvent l’héritier du maître ; on l’affranchit presque toujours à sa mort en lui assurant des moyens de subsistance. Il ne faut voir dans l’esclavage des pays musulmans qu’un moyen d’assimilation, qu’une société qui a foi dans sa force tente sur les peuples barbares.

Il est impossible de méconnaître le caractère féodal et militaire du Coran. Le vrai croyant est l’homme pur et fort qui doit dominer par le courage ainsi que par la vertu ; plus libéral que le noble du moyen âge, il fait part de ses priviléges à quiconque embrasse sa foi ; plus tolérant que l’Hébreu de la Bible, qui non-seulement n’admettait pas les conversions, mais exterminait les nations vaincues, le musulman laisse à chacun sa religion et ses mœurs, et ne réclame qu’une suprématie politique. La polygamie et l’esclavage sont pour lui seulement des moyens d’éviter de plus grands maux, tandis que la prostitu-