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DE PARIS À CYTHÈRE.

— Votre voiture est donc perdue ? dit le général.

— Mais, jusqu’à présent, on n’en a pas de nouvelles ; lorsque vous m’aurez donné de l’argent, il est probable que je pourrai la faire retirer de l’eau par des gens du pays.

— Pourquoi employer des gens du pays, puisque nous avons des lanciers qui ne coûtent rien ?

— Mais, général, on ne peut pas tout faire avec des lanciers ! et, quand vous m’aurez prêté quelque autre habit…

— Vous pouvez garder celui-ci ; nous en avons encore au magasin…

— Eh bien, avec les fonds que vous pourrez m’avancer, je vais me transporter sur les lieux.

— Pardon, mon cher ami, je n’ai pas de fonds disponibles ; mais tout le secours que l’autorité militaire peut mettre à votre disposition…

— Pour Dieu, général, ne parlons plus de vos lanciers !… Je vais tâcher de trouver de l’argent dans la ville, et je m’en suis pas moins votre obligé, du reste.

— Tout à votre service, mon cher ami.

L’attaché produisit très-peu d’effet au maire et au notaire de la ville, surtout sous l’habit qu’il portait. Il fut contraint d’aller jusqu’à la sous-préfecture la plus voisine, où, après bien des pourparlers, il obtint ce qu’il lui fallait. La voiture fut retirée de l’eau, le lancier fut dégagé, les Savoyardes furent bien payées de leur hospitalité, et notre diplomate repartit par le courrier.

Je lui souhaite d’avoir trouvé une voiture meilleure que celle qui m’a transporté à Ferney. Ensuite il y a eu deux jours de perdus pour les dépêches, et qui sait combien de complications cela a pu amener dans une question quelconque.

On pourrait faire tout un vaudeville là-dessus, en gazant toutefois certains détails. Le lancier laissé en gage ne peut pas rester tout le temps dans un lit : la jeune Savoyarde lui prête une robe. On le trouve fort aimable ainsi. On rit beaucoup ; un mariage s’ébauche, et l’attaché paye la dot.