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DE PARIS À CYTHÈRE.

tages de sa position naturelle. Son lac et ses montagnes lui font, d’ailleurs, des vues superbes. La route qui mène à Constance domine longtemps ce vaste panorama et se poursuit toute la journée au milieu des plus beaux contrastes de vallées et de montagnes.

Déjà le paysage a pris un nouveau caractère : c’est l’aspect moins tourmenté de la verte Souabe ; ce sont les gorges onduleuses de la forêt Noire, si vaste toujours, mais éclaircie par les routes et les cultures. Vers midi, l’on traverse la dernière ville suisse, dont la grande rue est étincelante d’enseignes dorées. Elle a toute la physionomie allemande ; les maisons sont peintes ; les femmes sont jolies ; les tavernes sont remplies de fumeurs et de buveurs de bière. Adieu donc à la Suisse, et sans trop de regrets. Une heure plus tard, la couleur de notre postillon tourne du bleu au jaune. Le lion de Zœringen brille sur les poteaux de la route, dans son champ d’or et de gueules, et marque la limite des deux pays. Nous voilà sur le territoire de Constance, et déjà son lac étincelle dans les intervalles des monts.


VI — LE LAC DE CONSTANCE — AUGSBOURG


Constance ! c’est un bien beau nom et un bien beau souvenir ! C’est la ville la mieux située de l’Europe, le sceau splendide qui réunit le nord de l’Europe au midi, l’occident et l’orient. Cinq nations viennent boire à son lac, d’où le Rhin sort déjà fleuve, comme le Rhône sort du Léman. Constance est une petite Constantinople, couchée, à l’entrée d’un lac immense, sur les deux rives du Rhin, paisible encore. Longtemps on descend vers elle par les plaines rougeâtres, par les coteaux couverts de ces vignes bénies qui répandent encore son nom dans l’univers ; l’horizon est immense, et ce fleuve, ce lac, cette ville prennent mille aspects merveilleux. Seulement, lorsqu’on arrive près des portes, on commence à trouver que la cathédrale est moins imposante qu’on ne pensait, que les mai-