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DE PARIS À CYTHÈRE.

Et puis voilà que cela traîne en longueur ; je comprends que c’est une cour à faire. Un matin, je viens la voir, elle me dit avec une grande émotion :

— Oh ! mon Dieu ! il est malade.

— Qui, lui ?

Alors, elle prononce un nom aussi bohême que le sien ; elle me dit :

— Entrez donc.

J’entre dans une seconde chambre, et je vois, couché dans un lit, un grand flandrin qui était venu avec nous, le soir du spectacle dans la taverne, et qui était vêtu en chasseur d’opéra-comique. Ce garçon m’accueille avec des démonstrations de joie ; il avait un grand chien lévrier couché près du lit. Ne sachant que dire, je dis : « Voilà un beau chien ; je caresse l’animal, je lui parle, cela dure très-longtemps. On remarquait au-dessus du lit le fusil du monsieur ; ce qui, du reste, vu sa cordialité, n’avait rien de désagréable. Il me dit qu’il avait la fièvre, ce qui le contrariait beaucoup, car la chasse était bonne. Je lui demande naïvement s’il chassait le chamois ; il me montre alors des perdrix mortes avec lesquelles des enfants s’amusaient dans un coin.

— Ah ! c’est très-bien, monsieur.

Alors, pour soutenir la conversation, comme la beauté ne revenait pas, je dis bourgeoisement :

— Eh bien, ces enfants sont-ils bien savants ? D’où vient qu’ils ne sont pas à l’école ?

Le chasseur me réplique :

— Ils sont trop petits.

Je réponds que, dans mon pays, on les met aux écoles mutuelles dès le berceau. Je continue par une série d’observations sur ce mode d’enseignement. Pendant ce temps-là, Vhahby rentra une tasse à la main ; je dis au chasseur :

— Est-ce que c’est du quinquina (vu sa fièvre) ?

Il me dit :

— Oui.