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lorely.

queurs de la trompeuse Lorely. Depuis ce jour, je ne fis que rêver à l’Orient, comme vous l’avez dit dans la suite de votre article, et je me promenais tous les soirs pensif le long de ce Danube orageux qui touche au Rhin par ses sources et par ses bouches vaseuses aux flots qui vont vers le Bosphore.

Alors, j’ai tout quitté, Vienne et ses délices, et cette société qui vivait encore en plein xviiie siècle, et qui ne prévoyait ni sa révolution sanglante, — ni les révoltes de ces magyars chamarrés de velours et d’or, avec leurs boutons d’opale et leurs ordres de diamants, qui vivaient si familièrement avec nous, artistes ou poètes, — adorant madame Pleyel, admirant Listz et Bériot. Je vous adressais alors les récits de nos fêtes, de nos amitiés, de nos amours, et certaines considérations sur le tokay et le johannisberg, qui vous ont fait croire que j’étais dans l’intimité de M. de Metternich. Ici se trouve une erreur dans votre article biographique. J’ai rencontré bien des fois ce diplomate célèbre, mais je ne me suis jamais rendu chez lui. Peut-être m’a-t-il adressé quelque phrase polie, peut-être l’ai-je complimenté sur ses vignes du Danube et du Rhin, voilà tout. Il est des instants où les extrêmes se rapprochent sur le terrain banal des convenances…

Finissons ce bavardage, et louons encore une fois ce joyeux Rhin, qui touche maintenant à Paris, et qui sépare, en les embrassant, ses deux rives amies. Oublions la mort, oublions le passé, et ne nous méfions pas désormais de cette belle aux regards irrésistibles que nous n’admirons plus avec les yeux de la première jeunesse !