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lorely.

que lui ; mais rien ne me serait plus difficile que de le lui démontrer dans sa langue.

J’ai donc demandé à l’hôte, avec beaucoup de peine, quels étaient les spectacles de Wiesbaden, autres que le concert de l’enfant de dix ans.

— Vous avez encore, me dit-il, les singes (die Aſſen).

— Mais que joue-t-on au théâtre Grand-Ducal ?

— Au Grand-Théâtre, vous avez l’exposition de l’industrie du duché de Nassau…

Imaginez, mon cher Dumas, la déception d’un voyageur qui cherche à tout prix une pièce à analyser, des acteurs à critiquer, et qui se voit réduit à juger une exposition de l’industrie.

On prend son billet au bureau, moyennant douze kreutzers. — Il y a d’abord, dans le foyer des acteurs, une salle de machines, des charrues, des métiers, une presse à bras et une presse mécanique…, puis des coffres-forts : — il paraît qu’on a de l’argent dans ce pays-là.

On arrive ensuite au grand foyer. Première salle : jardinières, poterie, savons et bottes. J’y ai remarqué principalement un poêle monumental, élevé à la mémoire de trois poëtes, et surmonté par la figure gracieuse de Thalie.

Voilà de ces idées dont il faut se garder de sourire ; les Allemands ont chez eux des figures de dieux et de grands hommes multipliés comme les lares des Romains ; c’est le poêle, généralement, qui, dans ses détails, représente ce culte inoffensif. — Il en est d’immenses, comme au château de Rastadt, où l’on admire tout l’Olympe en porcelaine de Saxe, avec les poëtes du temps, qu’Apollon aide à gravir la montagne divine. Ce poêle vaut simplement cent mille florins.

On voit aussi là une pendule à sonnerie, commandée par le sultan. C’est le carillon de Dunkerque en petit. J’ai eu le malheur d’entendre sonner midi dans cette salle, consacrée principalement à l’horlogerie. Depuis la pendule à colonnes importée de Paris, jusqu’au simple coucou de la forêt Noire, en passant par les mille combinaisons des inventeurs secon-