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LORELY.

Schiller, c’est-à-dire la modeste chambre qu’il occupait dans une maison dont le propriétaire a inscrit au-dessus de la porte ces simples mots : « Ici Schiller a habité. »

Je m’étonnais de trouver les meubles plus brillants et plus frais que ceux de la petite chambre de Gœthe, que j’avais vus à Francfort ; mais on m’apprit que les fauteuils et les chaises étaient de temps en temps recouverts de tapisseries que les dames de Weimar brodaient à cet effet. Ce qui est conservé dans toute sa simplicité, c’est un piano ou épinette dont la forme mesquine fait sourire, quand on songe aux pianos à queue d’aujourd’hui. Le son de chaudron que rendaient les cordes n’était pas au-dessus de cette humble apparence.

Listz, qui m’accompagnait dans cette pieuse visite rendue au grand dramaturge de l’Allemagne, voulut venger de toute raillerie l’instrument autrefois cher au poëte.

Il promena ses doigts sur les touches jaunies, et, s’attaquant aux plus sonores, il sut en tirer des accords, doux et vibrants qui me firent écouter avec émotion les Plaintes de la jeune fille, ces vers délicieux que Schubert dessina sur une si déchirante mélodie, et que Listz a su arranger pour le piano avec le rare coloris qui lui est propre. — Et, tandis que je l’écoutais, je pensais que les mânes de Schiller devaient se réjouir en entendant les paroles échappées à son cœur et à son génie, trouver un si bel écho dans deux autres génies qui leur prêtent un double rayonnement.

Mais on se fatigue même de l’admiration et de cette tension violente que de tels souvenirs donnent à l’esprit. Nous fûmes heureux de voir le dernier jour des fêtes occupé par une de ces bonnes et joyeuses réunions populaires qui se rattachent si heureusement aux souvenirs poétiques de l’ancienne Thuringe.

C’était un dimanche ; les paysans affinaient de toutes parts en habits de fête, et peuplaient d’une foule inaccoutumée les rues de Weimar, venant à leur tour admirer la statue de Herder. La société des chasseurs donnait une grande fête dans un local