Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/568

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
556
LORELY.

du savant semblait calqué, à l’inverse, sur les arguments de l’inconnu qui a écrit cet article, dont nous ne savons même si nous devons être responsables. « On a accusé Rembrandt, a dit M. Scheltema, d’être avare et crapuleux (schraapzugtig). » M. Scheltema a peut-être un peu trop vengé Rembrandt du reproche d’avoir fréquenté le bas peuple. Nous possédons à la Bibliothèque nationale une collection de gravures qu’il eût été difficile à l’artiste de réaliser sans se mêler un peu à la basse société. Le beau monde était très-beau sans doute du temps de Rembrandt, mais les gens en guenilles n’étaient pas à dédaigner pour un peintre. Ne cherchons pas à faire, des poëtes et des artistes, des gentlemen accomplis et méticuleux. La main qui tient la plume ou le pinceau ne s’accommode des gants paille que quand il le faut absolument, pour toucher parfois d’autres mains ornées de gants paille, — et des esprits de la force de Rembrandt sont ceux qui, comme les dieux, épurent l’air où ils ont passé.

On s’attendait à revoir le roi au grand bal que donnait la société Arti et Amicitiæ. Il avait fort bien répondu à une allusion imprudente d’un discours municipal touchant le monument de Waterloo. « Ceci, a-t-il répliqué, n’est pas un monument sanglant. » Mais le souverain, un peu fatigué de la journée, avait laissé pour le représenter au bal le prince Henri, qui a seul été salué du chant : Leve het Waderland !… hoezee !

En consultant mes souvenirs de cette journée du 27 mai, je suis encore frappé de l’aspect de toute cette ville en fête, des maisons pavoisées et des fenêtres ornées de guirlandes, du sol jonché de fleurs, et de ces milliers de bannières flottant au vent ou portées en pompe par les sociétés et les corporations. Le soir, tout était illuminé, et les rues qui conduisent du marché au musée étaient particulièrement sablées et parées de verdure. Les tableaux du prince de la peinture hollandaise étaient éclairés a giorno, et la Ronde nocturne surtout était encore admirée avec délices : il aurait fallu peut-être faire venir de la Haye la Leçon d’anatomie. Mais le parc, véritable centre de cette