Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/14

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Dans la deuxième phase, le protestantisme se sécularise ; il s’élève à sa seconde puissance et devient l’esprit d’examen sans contrôle, sans règle comme sans limites, ce qui était inévitable, car l’inspiration individuelle, maîtresse de tout juger d’après la règle qu’elle interprétait à son gré, devait être fatalement conduite à juger et à détruire la règle elle-même et demeurer seule debout sur les débris qu’elle avait entassés. On a reconnu le dix-huitième siècle, dans lequel le philosophisme ou le rationalisme absolu, qui discute tout et ébranle tout au sein de la région des idées, a exercé sa principale influence. Dans cette époque, l’Angleterre, avec ses libres penseurs, fournit à nos écrivains la matière première des idées ; mais ils les façonnent, les aiguisent et leur donnent ce caractère pénétrant qui les fait entrer dans les intelligences. La littérature française a, plus que toutes les autres, le don d’initiation et de propagande ; don sublime quand elle en use pour le bien, don terrible quand elle en abuse pour le mal.

Dans la troisième phase, le même mouvement est élevé à sa troisième puissance. C’est toujours le rationalisme d’abord religieux, ensuite philosophique, enfin politique. Arrivé à cette étape, il devient la révolution. De la région des idées, il descend dans celle des faits avec une puissance irrésistible ; il secoue, il frappe, il renverse, et il égale les destructions politiques aux renversements religieux et métaphysiques des âges précédents.