Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/154

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et le but de la philosophie. Expliquer un fait, est-ce donc autre chose que le dériver d’un autre fait ? et ce genre d’explication, s’il doit s’arrêter quelque part, ne suppose-t-il pas des faits inexplicables ? n’y aspire-t-il pas nécessairement ? La science de l’esprit humain aura été portée au plus haut degré de perfection qu’elle puisse atteindre, elle sera complète, quand elle saura dériver l’ignorance de sa source la plus élevée. » La même pensée revient quand M. Royer-Collard, après avoir étudié profondément l’origine de la notion de la durée, arrive à se demander, grave et insoluble problème, comment, à l’occasion de notre propre durée, nous concevons une durée nécessaire et illimitée, théâtre éternel de toutes les existences et de toutes les successions contingentes ; et comment, loin de nous borner à la concevoir, nous sommes invinciblement persuadés de sa réalité. « Non-seulement je dure, dit-il, mais il me semble que tout dure autour de moi ; je crois à votre durée, comme à la mienne, et je crois à une durée antérieure et postérieure à ma durée comme à la vôtre : voilà un fait aussi certain qu’aucun autre dans l’histoire naturelle de l’esprit humain. Cependant je n’ai pas l’intuition immédiate de votre durée, et je n’ai pas davantage l’intuition immédiate de la durée qui a précédé la mienne, ni de celle qui la suivra. D’un autre côté, ni votre durée ni aucune autre ne se déduisent de la mienne ; elles n’y sont pas, et aucun procédé de raisonnement ne peut les en extraire. Comment est-ce donc que je passe d’une durée locale à une