Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/162

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sentiment de la faiblesse de l’esprit humain, et le sens commun. Aux intelligences fourvoyées à la suite de tant de systèmes, il enseignait le culte de l’évidence, cette raison suprême dont on ne se rend pas raison et qui, au lieu de se proposer à l’esprit, s’impose. Il reconnaissait ainsi les grandes lois de l’intelligence, qui règlent tout et qui n’ont pas de règles, qui expliquent tout et que rien n’explique, les mystères de l’esprit humain, si l’on peut s’exprimer ainsi, qu’on ne saurait rejeter sans tomber dans le chaos ; et il démontrait que, si l’on voulait ébranler l’autorité d’une seule de ces sources de connaissances, la perception externe, la conscience, la mémoire, la perception morale, la raison, on les ébranlait toutes, et l’on tombait dans le scepticisme, ce fléau des âmes, qui est aussi le fléau des sociétés. En effet, comme le fait observer M. Royer-Collard, il y a des erreurs philosophiques dangereuses, comme il y en a d’innocentes. Ainsi on ne s’accoutume guère à mettre en question les faits les plus évidents, sans se persuader qu’il n’y a rien dans les faits, comme dans les idées, qui ne puisse être remis en doute. Il n’est pas aisé de faire au scepticisme sa part ; dès qu’il entre dans l’entendement, il l’envahit tout entier. Quand toutes les existences sont en problème, quelle autorité reste-t-il aux rapports qui les unissent ? C’est cependant de ces rapports que dérivent toutes les lois de la société, tous les droits et tous les devoirs qui constituent la morale publique et privée. Quand la certitude disparaît, elle entraîne donc avec elle le