Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/166

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M. Guizot, après l’avoir prononcé, demeura professeur et put continuer son cours d’histoire moderne, devant un auditoire peu nombreux, il est vrai, car les jeunes gens qui suivaient les leçons d’un enseignement supérieur, à leur sortie des classes, étaient bien rares dans cette époque où l’on était plus occupé à tailler sur les champs de bataille de la besogne à l’histoire qu’à l’étudier ou à récrire.

Pendant que M. Guizot manifestait cet esprit d’indépendance, M. Villemain se laissait aller à des tendances analogues, qui alarmaient quelquefois M. de Fontanes. Accueilli avec beaucoup de bonté par un aide de camp de l’empereur, M. de Narbonne, qui avait d’excellentes raisons pour aimer les gens d’esprit, M. Villemain recevait souvent de lui la mission de traduire pour Napoléon quelques-unes de ces grandes séances du parlement anglais où Canning commençait sa réputation d’orateur ; le jeune professeur allait ainsi faire sa classe en emportant furtivement, sous son habit, les journaux anglais, dont un seul exemplaire arrivait à Paris. C’était tout un nouveau monde qui s’ouvrait devant cet esprit vif et curieux ; ce mouvement, cette vie des affaires publiques faites au grand jour, ces luttes oratoires séduisaient, enivraient la jeune intelligence qui se penchait avec un sentiment d’envie vers le théâtre où ce drame émouvant se déroulait, comme un homme enfermé dans une tour silencieuse se penche, par une croisée, vers la grande ville dont les mille bruits et les frémissements