Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/18

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Au moment où, après avoir passé par les trois étapes que nous avons indiquées, le mouvement d’idées qui avait eu pour point de départ le seizième siècle, aboutissait à ses dernières et terribles conséquences, dans les années les plus néfastes de la révolution française, il se manifesta une réaction en sens contraire dont nous sommes naturellement obligé de parler avec plus de détails, parce que cette réaction s’est prolongée jusqu’à nos jours, et que nous trouverons partout sa trace dans la littérature contemporaine : c’est, à proprement parler, une de ses origines.

On comprend quelle impression produisit sur les esprits, après 1793, l’étrange et douloureux dénoûment de tant d’efforts et de tant d’espoirs. L’esprit humain réalisant la fable antique des Titans, dont il avait renouvelé l’orgueil, retombait sous les montagnes qu’il avait soulevées contre le ciel. Cette société si fière d’elle-même, dont les esprits les plus éminents avaient travaillé à bannir la religion comme une superstition

    nature humaine, émettait, dès le commencement du dix-huitième siècle, cette opinion, en prévoyant la grande révolution qui s’annonçait : « Je trouve que certaines opinions, s’insinuant peu à peu dans l’esprit des hommes du grand monde, qui règlent les autres et d’où dépendent les affaires, et se glissant dans les livres à la mode, disposent toutes choses à la révolution générale dont l’Europe est menacée. Si l’on se corrige encore de cette maladie épidémique, dont les mauvais effets commencent à être visibles, les maux seront peut-être prévenus ; mais si elle va croissant, la Providence corrigera les hommes par la révolution même qui doit en naître ; car, quoi qu’il puisse arriver, tout, au bout du compte, tournera toujours pour le mieux en général. » (Leibnitz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain.)