Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/205

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profit qu’il prétend détruire les obstacles révolutionnaires ; mais ces obstacles détruits le seront pour tout le monde. Il arrivera un jour où la France se trouvera assez complétement guérie de ses superstitions révolutionnaires pour que la monarchie soit possible, et le jour où elle sera possible ne sera pas éloigné du jour de son rétablissement. Le comte de Maistre suit avec une anxiété visible, du haut de son observatoire philosophique, tous les symptômes précurseurs de ces événements. À chaque faute que commet l’empereur Napoléon, sa voix s’élève comme celle d’une vigie pour annoncer le dénoûment encore lointain. Quand l’Espagne se soulève, il écrit : « Je ne veux point contester les talents de Bonaparte ; ils ne sont que trop incontestables. Cependant il faut convenir qu’il a fait cette année trois choses dignes d’un enfant enragé : je veux parler de sa conduite à l’égard de la Toscane, du pape et de l’Espagne. Il était maître absolu dans ce pays, il y régnait par la famille régnante ; il enlève cette famille auguste, et, par ce beau coup, il met la nation dans l’état de la nature au pied de la lettre, c’est-à-dire dans la seule position qui puisse résister à un usurpateur de génie, menant une révolution à sa suite ; on n’a jamais fait une plus grande faute[1]. » Quand la rupture de l’empereur Napoléon avec le pape devient définitive, et qu’il menace de déposer le souverain pontife, la voix de la vigie fait en-

  1. Saint-Pétersbourg, 2 octobre 1809.