Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/213

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lectures favorites ; la contemplation de la nature, sa consolation ; et il a été au nombre de ces jeunes gens d’élite qui cherchaient dans Chateaubriand et madame de Staël, ces deux génies disgraciés, les accents qui ressuscitent l’âme, et le souffle du spiritualisme qui, arrivant au cœur, fait jaillir une étincelle de ses cendres. « Ces deux génies précurseurs, disait-il plus tard[1], m’apparurent et me consolèrent à mon entrée dans la vie ; Staël et Chateaubriand, ces deux noms remplissent bien du vide, éclairent bien de l’ombre. Ils furent, pour nous, comme deux protestations vivantes contre l’oppression de l’âme et du cœur, contre le desséchement et l’avilissement du siècle ; ils furent l’aliment de nos toits solitaires, le pain caché de nos âmes refoulées, et il est peu d’entre nous qui ne leur doive ce qu’il est, ce qu’il fut ou ce qu’il sera. » Telle avait été la vie de M. de Lamartine jusqu’à la restauration : vie de voyage à Rome, à Naples, qui agrandissait la sphère de ses idées ; vie de méditations à Milly, le manoir paternel, où les heures s’écoulaient dans des courses poétiques et solitaires à travers la campagne, et dans la contemplation des magnificences de la nature, ou dans la lecture des auteurs qui l’ont le mieux peinte, parce qu’ils l’ont le plus aimée ; vie d’irritation et d’indignation concentrée pendant les courts séjours qu’il fit à Paris, où son âme, profondément poétique, fut blessée du triomphe

  1. Des destinées de la poésie.