Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/23

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tenant aux opinions contraires : il suffira de nommer La Harpe, Fontanes, Fiévée, Lacretelle, Michaud, Richer-Sérisy, écrivant dans le Mémorial, la Quotidienne ou la Gazette française, contre Garat, Chénier, Daunou, Rœderer, Benjamin Constant, défendant les idées de la révolution dans la Clef du cabinet, le Conservateur, le Journal de Paris, pour donner une idée du mouvement de la presse périodique à cette époque. Ce duel intellectuel souvent interrompu par des journées révolutionnaires, recommençait toujours. On eût dit que ces vives polémiques chargeaient l’atmosphère d’une électricité passionnée qui, arrivée à un certain degré d’intensité, faisait éclater la foudre. On discutait entre deux coups de tonnerre, du 9 thermidor au 13 vendémiaire, du 13 vendémiaire au 18 fructidor, du 18 fructidor au 18 brumaire. Les deux premiers coups d’État imposèrent silence, surtout au camp religieux et monarchique ; le 18 brumaire imposa bientôt silence à tout le monde ; non que ce silence fût immédiat et absolu, car il n’est dans la puissance de personne, quelque fort ou quelque despotique que soit le gouvernement, d’interrompre complétement, dans une société civilisée, le commerce des idées, et de suspendre, si l’on peut s’exprimer ainsi, le travail de la pensée humaine. Mais la lutte était moins bien dessinée, plus timide, moins publique ; elle avait un régulateur et un dominateur qui s’était donné à lui-même le rôle d’arbitre, et le remplissait souverainement. Il faut donc remonter un peu plus haut, sous le directoire, pour bien saisir ce grand