Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/256

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même dans sa lutte avec les hommes et les choses ; cet orgueil qui a besoin d’avoir ses coudées franches, et qui se plaît au désert et au milieu des ruines ; cet amour-propre universel qui veut laisser la trace de ses pas dans toutes les routes qui retentissent sous le pied qui les foule, et ne renonce à aucun genre de gloire, qui veut traverser l’Hellespont avec Léandre, acquérir une espèce d’illustration militaire dans des excursions aventureuses, et chanter des vers avec Sapho, Pindare et Homère ; ce culte filial pour la Grèce qui allait devenir contagieux en Europe.

Ce fut avec la chute de l’empire que commença la renommée de lord Byron dans notre pays, et il y a dans cette coïncidence de date quelque chose de remarquable : au moment où, avec Bonaparte, la grandeur positive tomba, les héros de lord Byron, ces grandeurs romantiques et indéterminées, prirent la place. L’admiration humaine était restée vide comme un de ces piédestaux d’où la statue vient d’être enlevée ; Byron condensa les brouillards de son climat, et remplit le vide avec une sorte de majesté nébuleuse et de grandeur fantastique ; nous entendons désigner ainsi ces figures sombres et tristes de Lara, Child-Harold, Manfred, et toute cette famille de génies inapplicables et de puissants caractères emprisonnés par les événements ou par leur dédain pour l’humanité, dans une fière immobilité, et demeurant en dehors de la vie réelle. À cette première cause du succès de lord Byron en France, il s’en joignit une autre qui