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tions dans ces deux sources sacrées. Le talent de M. de Lamartine n’était point le fruit de l’étude et du travail ; son intelligence avait quelque chose de vif et de spontané ; elle saisissait les idées plutôt qu’elle ne les approfondissait. La nature lui apparaissait comme un long poëme, et lorsqu’il écoutait les mille bourdonnements qui, par une belle journée, s’élèvent dans le silence, des vers admirables s’échappaient de son âme, comme autant d’échos mystérieux de ces sublimes harmonies. Ainsi que tous les grands poëtes, M. de Lamartine trouvait, dans la contemplation de la nature et dans la lecture de ceux qui l’ont aimée une source inépuisable d’inspirations et cet apaisement de cœur que Dieu semble avoir placé dans la solitude et le silence. En peignant les poétiques heures de sa jeunesse, il a lui-même entr’ouvert aux regards la source où son imagination a puisé : « Tant que je vivrai[1], dit-il, je me souviendrai de certaines heures de l’été que je passais couché sur l’herbe dans une clairière des bois, à l’ombre d’un vieux tronc de pommier sauvage, en lisant la Jérusalem délivrée, et de tant de soirées d’automne et d’hiver passées à errer sur les collines déjà couvertes de brouillard et de givre, avec Ossian ou Werther pour compagnon, tantôt soulevé par l’enthousiasme intérieur qui me dévorait, courant sur les bruyères comme porté par un esprit qui empêchait mes pieds de toucher le sol ; tantôt assis sur une

  1. Des Destinées de la poésie, 11 février 1834.